Dossier Laméca
Musique Marronne des Guyanes
1. LES « PREMIERS TEMPS » DES MARRONS DES GUYANES
Les Marrons du Suriname (Ndyuka, Saamaka [anciennement orthographié Saramaka], Aluku [également connu sous le nom de Boni], Matawai, Paamaka et Kwinti) font partie d'un petit nombre de peuples Marrons qui se sont maintenus jusqu'à aujourd’hui en divers endroits des Amériques. Tels que les Marrons de Jamaïque, les Palenqueros de Colombie, les Garifuna d'Amérique centrale et les Séminoles Noirs des États-Unis et du Mexique...
Au 18e siècle, la colonie hollandaise du Suriname (appelé aussi Guyane hollandaise), qui a joué un rôle essentiel dans le commerce européen du sucre et des esclaves, abritait l'un des régimes esclavagistes les plus brutaux de l'histoire. Dès la fin du 17e siècle et plus d'un siècle durant, les ancêtres africains des Marrons du Suriname ont fui les plantations d'esclaves disséminées sur la partie côtière de cette colonie et se sont réfugiés dans les forêts environnantes. Tout en menant une guérilla féroce contre la « slavocratie » hollandaise, les premiers Marrons ont pu déjouer les tentatives de l'administration colonials de les ré-asservir ou de les anéantir en se réfugiant dans des parties inaccessibles et inhospitalières de l'intérieur du Suriname.
Au cours de cette période, tout en s'adaptant à un environnement naturel difficile et en repoussant les assauts répétés des troupes coloniales hollandaises, ils ont réussi à fonder de nouvelles sociétés afro-surinamaises. Ils ont également créé des langues créoles riches, avec un vocabulaire provenant en grande partie de l'anglais et du portugais mais s'inspirant également du néerlandais, du français, d'un certain nombre de langues amérindiennes locales et d'une grande variété de langues africaines (en particulier le fongbe, l'akan et les langues à base kongo). Dans le même temps, ils ont façonné des cultures musicales originales variées, qui demeurent parmi les plus africaines de l'hémisphère occidental.
A propos du présent dossier
Les chapitres de ce dossier se concentrent sur cette tradition musicale unique des Marrons des Guyanes, avec une attention particulière à la variante pratiquée par les Aluku (appelés aussi Boni), dont l'auteur a une fine connaissance pour l’avoir étudié en profondeur en tant qu’anthropologue et ethnomusicologue.
Il convient de noter que, bien que divers groupes de Marrons aient longtemps été présents en Guyane française (en particulier les Aluku, dont la majorité du territoire traditionnel, pendant la majeure partie de leur histoire, a été située sur des terres revendiquées par les Français), les Marrons surinamais de tous les groupes considèrent encore le Suriname comme leur lieu d'origine et la région où la culture Marronne reste la plus forte. Pour cette raison, dans les pages qui suivent, les expressions « Marrons surinamais » et « Marrons guyanais » seront employées de manière interchangeable, étant entendu qu'un nombre important de Marrons considèrent néanmoins la Guyane française comme leur foyer. Il faut ajouter qu’un grand nombre de ces derniers sont aujourd’hui des ressortissants français et des citoyens de la Communauté européenne, bien que la majorité des Marrons du plateau des Guyanes soient des citoyens de la République du Suriname.
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SOMMAIRE
1. Les « premiers temps » des Marrons des Guyanes
2. Culture afro-surinamaise : côte et intérieur
3. La musique dans la vie traditionnelle des Marrons
4. Étude de cas. Booko dei et puu baaka chez les Marrons de l'Est
5. Aleke. Épanouissement d'une musique Marronne néo-traditionnelle
6. Incursions des marrons dans l’univers mondialisé de la musique
Illustrations musicales
Bibliographie
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par Kenneth Bilby
© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2016-2020