Dossier Laméca
Musique Marronne de la Jamaïque
EXTRAITS MUSICAUX
Enregistrements de terrain complets
Titres inédits. Un par communauté marronne.
.1. John Johncrow
Genre : tambu
Marrons de Moore Town
Enregistré par Kenneth Bilby à Seaman's Valley (Portland, Jamaïque) le 6 mars 1978.
.2. Law hold-oh, Maroon law
Genre : Musique marronne processionnelle
Marrons d'Accompong
Enregistré par Kenneth Bilby à Accompong (St. Elizabeth, Jamaïque) le 5 janvier 1978.
.3. Long water muddy, me cyaan cross
Genre : jawbone
Marrons de Scott's Hall
Enregistré par Kenneth Bilby à Scott's Hall (St. Mary, Jamaïque) le 17 avril 1978.
.4. Maroon gone
Genre : jawbone
Marrons de Charles Town
Enregistré par Kenneth Bilby à Charles Town (Portland, Jamaïque) le 12 novembre 1977.
Extraits d'enregistrements de terrain
Tirés du CD Drums of Defiance : Maroon Music from the Earliest Free Black Communities of Jamaica (Smithsonian/Folkways Recording, 1992). Enregistré (1981 et 1991), compilé et annoté par Kenneth Bilby.
Plus d'informations sur le site de l'éditeur (livret du cd écrit par Kenneth Bilby disponible) >>>
Caractéristiques communes aux styles Kromanti (Papa, Mandinga et Ibo) :
Ils sont considérés comme les plus puissants de la tradition musicale marronne. Ils s’exécutent tard dans la nuit durant les danses Kromanti. La langue des paroles est pour l’essentiel d’origine africaine plutôt qu’en anglais ou en créole. Le percussionniste leader joue sur son tambour avec la baguette abaso tik dans une main et, les doigts et la paume de son autre main.
.1. Maki Bo
Genre : kromanti (papa)
Marrons de Moore Town
Les chansons Papa sont considérées comme les plus puissantes du répertoire kromanti. Elles ouvrent toutes cérémonies kromanti importantes.
Le mot papa provient de pawpaw, terme utilisé par les européens durant l’esclavage pour désigner les esclaves originaires de la zone linguistique Ewe (ouest du pays Yoruba, actuel Togo et parties du Ghana et du Bénin).
Dans ce morceau les deux tambours aprinting et l’adawo (ou iron) n’exécutent pas un rythme régulier car ils jouent en mode parlé (voir plus bas langage tambouriné).
Cette chanson évoque un marron des premiers temps qui pour l’aider à chasser et se guérir d’un esprit qui l’habitait se faisait posséder par l’esprit de l’un de ses deux frères (Maki Bo et Buza) en chantant cette même chanson.
.2. Wiri-oo Sankoma
Genre : kromanti (mandinga)
Marrons de Moore Town
Ce morceau est un bon exemple de la manière dont sonne le mandinga quant il est joué à bas tempo, comme c’est souvent le cas.
.3. Joh Le
Genre : kromanti (ibo)
Marrons de Moore Town
Typique du style rythmique ibo, la pulsation de base est subdivisée en triolets rapides, ressemblant à un tempo rapide binaire.
Cette chanson est attachée à un seul et unique ancêtre marron. Elle peut être chantée pour invoquer son esprit.
.4. See dem gyal a molain
Genre : jawbone
Marrons de Moore Town
Le jawbone est considéré comme le plus “léger” des styles marrons de divertissement.
La prononciation longue de voyelles que l’on entend dans le chœur est typique des chansons Jawbone.
Il est à noter qu’ici, le joueur de kwat, percussionniste aprinting accompli, exécute des motifs rythmiques typiques du cutting drum (tambour d’improvisation).
.5. Hear when de duppy bawl
Genre : tambu
Marrons de Moore Town
Le tambu est le produit d’un syncrétisme culturel entre des styles musicaux marrons anciens et la musique Kumina (tradition introduite en Jamaïque après l’abolition de l’esclavage par des immigrés provenant d’Afrique Centrale. Elle n’appartient pas aux traditions marronnes, même s'il y a eu de nombreux échanges entre les deux traditions).
Cette chanson fait également partie du répertoire Kumina. Deux tambours aprinting sont utilisés. Les paroles font allusion au pouvoir Kumina d’invoquer les esprits et aux plaintes de ces derniers quant ils sont attirés par la cérémonie.
.6. Moko Johnny
Genre : sa leone
Marrons de Moore Town
Le nom du style vient de Sierra Leone (le pays d’Afrique de l’Ouest). Il est utilisé pour le divertissement dans les premières heures précédant la cérémonie Kromanti. Les paroles sont en créoles ou en anglais. Dans ce morceau on entend les tambours aprinting et le son métallique de l’adawo. Les paroles évoquent la mémoire de Moko Johnny, un marron des premiers temps.
A propos du langage tambouriné
Les marrons de Moore Town sont les seuls à pouvoir utiliser les tambours Kromanti (aprinting) pour communiquer. Comme dans de nombreux endroits en Afrique et chez les marrons du Suriname et de la Guyane française, les tambours peuvent transmettre des signaux complexes basés sur un système tonal. Lors des guerres, il est dit que les tambours Kromanti, de même que l’abeng, étaient utilisés dans un but stratégique. Aujourd’hui, le langage tambouriné est employé au début des cérémonies Kromanti pour inviter les marrons environnants et les informer qu’une cérémonie s’apprête à commencer. Il sert aussi à invoquer les esprits des ancêtres et à communiquer avec eux.
Dans ces deux extraits, le tambour kromanti joue dans le style country. Celui-ci a la particularité d’associer un chant mélodique lent et fluide au son de deux tambours kromanti jouant en mode parlé. Le rythme suit une structure parlée et non musicale. Du point de vue de la puissance spirituelle, les chansons du style country sont les plus importantes de la musique marronne. Il est dit qu’elles peuvent être interprétées pour invoquer les plus anciens ancêtres marrons qui vivaient au temps de la guerre. Ils offrent ainsi leur assistance dans les périodes de crise.
.7. Tambour kromanti seul
Genre : country
Ici, un seul tambour joue car ce country est interprété hors contexte musical et dansé.
.8. Shedo
Genre : country
Cette chanson a une profonde et poignante signification pour les marrons. Elle évoque un incident qui se serait produit du temps de la guerre avec les anglais. Une femme du nom de Shedo aurait perdu son enfant dans sa fuite devant les soldats britanniques. Longtemps introuvable, l’enfant aurait signalé sa présence aux marrons avec cette chanson que l’esprit d’un ancêtre lui aurait appris. Cette chanson sert de rappel émotionnel des dures épreuves que les ancêtres marrons ont du traverser dans leur guerre contre les colons britanniques.
.9. Abeng
Fait d’une corne de vache, l’abeng est joué en soufflant dans un trou latéral percé à proximité de la pointe. La tonalité est altérée en couvrant à l’aide du pouce un second trou percé plus près encore de la pointe. Bien que n’émettant que deux notes, l’abeng était utilisé pour transmettre des messages complexes sur de très longues distances. En constituant un réseau d’abeng-men postés comme des sentinelles en divers endroits autour de leur campement, les marrons déjouaient de nombreuses attaques surprises. Les rapports britanniques de l’époque font allusion à cette corne et son rôle stratégique.
Aujourd’hui, cet instrument est toujours joué en mode parlé pour transmettre des messages et jamais tout à fait comme distraction musicale. Il ne sert pas seulement à prévenir la communauté d’un danger, mais aussi à communiquer des messages urgents comme quand quelqu’un s’est perdu dans la forêt, ou s’est noyé. Il est aussi périodiquement utilisé pour convoquer le Conseil Marron ou l’ensemble de la communauté à une réunion. Enfin, il sert aussi à signaler l’arrivée de la fête de noël. Unique occasion dans l’année où on peut en jouer librement (extrait proposé).
______________________________________
SOMMAIRE
1. La musique
2. Les instruments
3. Les musiciens
4. Des racines dans le vent
Extraits musicaux
Bibliographie
______________________________________
par Kenneth Bilby
© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2006-2020