Histoire – 6 mai 1802, le général Richepance arrive en Guadeloupe pour y rétablir l’ordre

 Dossier Laméca

1802
La rébellion en Guadeloupe

HISTOIRE
6 MAI 1802, LE GENERAL RICHEPANCE ARRIVE EN GUADELOUPE POUR Y RETABLIR l'ORDRE

 

Le Premier Consul, Bonaparte, avait comme ambition de reconstituer la puissance maritime de la France, sérieusement malmenée aux Amériques depuis la guerre de Sept Ans. Pour ce faire, il se laisse convaincre par les tenants du lobby colonial, de plus en plus nombreux dans son entourage, d'obtenir de l'Angleterre la restitution des possessions antillaises (Martinique, Sainte-Lucie, Tabago) et, surtout, de la nécessité de soumettre les deux îles en rébellion (Saint Domingue et la Guadeloupe).

La signature du traité d'Amiens, au printemps 1802, s'inscrit dans cette perspective. Bonaparte entend profiter de cette trêve pour remettre de l'ordre dans la maison outremer : une expédition de 40.000 hommes, dirigés par le général Leclerc, est à pied d'œuvre à Saint Domingue dès février 1802 pour mettre fin à l'accaparement des pouvoirs par Toussaint Louverture. Convaincu par Lacrosse, le capitaine-général évincé de l'île, que "l'insurrection de la Guadeloupe n'est qu'une ramification du système de Saint Domingue", c'est au général Richepance que le Premier Consul confie le soin de rétablir l'ordre à la Guadeloupe.

Parti de Brest avec 3500 hommes, Richepance arrive le 6 mai 1802 au port de Pointe-à-Pitre où il est accueilli par Pélage et les troupes de couleur, sans éprouver la moindre résistance. Il n'en ordonne pas moins le désarmement des troupes indigènes dont les soldats sont conduits à bord de ses navires. Cet acte arbitraire donne le coup d'envoi de la révolte orchestrée par IgnacePalermeMassoteau et quelques 200 hommes qui se sont enfuis à la faveur de la nuit.

Ces désormais "rebelles" à l'autorité du général en chef, sans connaître les motivations réelles de ce dernier, se rendent à Basse-Terre pour y porter l'alarme et organiser la résistance. Dès lors, c'est tout le Sud Basse-Terre qui s'embrase pour arrêter l'offensive des troupes métropolitaines par terre (bataille de Dolé) et par mer. Dès le 10 mai, Delgrès, commandant de la place de la Basse-Terre, fait afficher sur les murs de la ville une proclamation dans laquelle il exprime toute sa détermination à combattre jusqu'à la mort pour défendre les principes de justice et d'humanité qu'il estime bafoués.

Le même jour, l'escadre de Richepance, qui est attaquée au large de Basse-Terre par les canons du fort et des batteries côtières, effectue sa descente au Val de Lorge. Les troupes noires, renforcées par de nombreux cultivateurs, se défendent avec opiniâtreté lors des combats sanglants de la rivière du Plessis et de la rivière des Pères. Les troupes terrestres et maritimes, dirigées par les généraux Gobert et Sériziat, font leur jonction, s'emparent des hauteurs surplombant la ville et parviennent à encercler les rebelles repliés dans Basse-Terre.

Richepance, avec l'assentiment de Pélage, fait venir de Pointe-à-Pitre 600 hommes choisis parmi les troupes noires embarquées sur les vaisseaux, pour les incorporer dans les bataillons français et demande au gouverneur de la Dominique de lui fournir des canons. Dès lors, c'est un déluge de feu qui s'abat sur le Fort que les rebelles évacuent dans la nuit du 21 au 22 mai par la poterne du Galion, avant de s'enfuir dans les mornes escarpés du Vieux Fort. A Dolé, Ignace et Delgrès se séparent. Tous deux cheminent vers leur tragique destin : le premier vers la Grande-Terre pour tenter d'en ramener des renforts, le second vers les hauteurs, jugées inexpugnables, du Matouba.

Les troupes d'Ignace soulèvent les ateliers pour se renforcer, brûlent plusieurs habitations jusqu'à Morne-à-l'eau et se regroupent dans la redoute de Baimbridge : elles y sont massacrées le 26 mai par les tirs de canon dirigés par Pélage en personne. 675 corps y sont enterrés le lendemain, et les 300 survivants passés par les armes sur la place de la Victoire et sur la plage de Fouillole les jours suivants.

Le 28 mai, Richepance exécute lui-même l'attaque du Matouba, mobilisant 1800 hommes pour déloger quelques 650 rebelles qui ont perdu tout espoir depuis la mort d'Ignace. Rapidement débordés par la stratégie de contournement de l'ennemi appliquée par les soldats français, les troupes de Delgrès se replient autour de leur chef dans l'habitation Danglemont, où ils choisissent de se faire sauter au cri de "Vivre libres ou mourir". 150 d'entre eux préfèrent se dérober à travers les bois pour poursuivre la lutte, encore plusieurs mois, aux côtés de Palerme.

Difficile de dresser un bilan chiffré de ces événements sanglants qui ont causé la mort de quelques milliers de combattants des deux camps. Encore faut-il y ajouter les déportés et les disparus ! La répression ne s'est en effet pas atténuée après l'épouvantable épilogue de Danglemont. Des semaines durant, ce furent la chasse aux rebelles dans les bois, des exécutions sommaires, des pendaisons multiples…

Bien décidé à ramener le calme coûte que coûte, Richepance déporte près de 2000 Noirs, pris sans distinctions parmi les soumis et les rebelles. Sept frégates et corvettes ont pour mission de les acheminer vers Carthagène des Indes, pour les vendre comme esclaves. Suite au refus des autorités espagnoles, puis américaines du port de New York, la plupart de ces infortunés sont abandonnés sur des rivages inhospitaliers, voués à une mort certaine. Seuls 400 d'entre eux y échappent, sont enfermés au bagne de Brest, avant d'être envoyés au front lors des campagnes d'Italie.

Richepance cherche ensuite à réorganiser la vie du pays par une série d'arrêtés dont le plus spectaculaire est le rétablissement de facto de l'esclavage, à compter du 16 juillet, sans toutefois le notifier formellement et officiellement. La mort du général en chef, victime de la fièvre jaune le 3 septembre, laisse de nouveau le pouvoir à Lacrosse. Celui-ci accapare, sous prétexte de l'état de guerre, la police et la disposition exclusive des Noirs dont 1100 sont maintenus en dépôt aux Saintes. Il crée ensuite un corps de chasseurs des bois pour éliminer les derniers rebelles qu'il poursuit jusque dans les îles voisines. Enfin, il crée un tribunal spécial pour juger, et faire exécuter le plus souvent, les rescapés (souvent blessés) des événements de mai, parmi lesquels Marthe Rose Toto, la compagne de Delgrès.

 

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SOMMAIRE

HISTOIRE
21 octobre 1801, les hommes de couleur prennent le pouvoir en Guadeloupe
6 mai 1802, le Général Richepance arrive en Guadeloupe pour y rétablir l'ordre
Baimbridge et Fouillole dans la tourmente révolutionnaire de 1802
Matouba, 28 mai 1802
L'agitation politique en Guadeloupe entre 1794 et 1802
Chronologie

PERSONNAGES
Le combat de Delgrès
Le combat de Richepance
Biographies des principaux protagonistes

ETAT DES LIEUX
Les communes de Guadeloupe
L'agriculture en Guadeloupe en 1799
La population de Guadeloupe en 1796
La politique coloniale de la France à l'époque révolutionnaire

REFERENCES
Textes historiques
Glossaire historique
Textes littéraires
Illustrations audio-vidéo
Bibliographie

crédits

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par René Bélénus

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