Dossier Laméca
Aspects de la littérature de jeunesse dans la Caraïbe francophone
9. LE CONTE ENTRE TRADITION ET MODERNITE
La plupart des contes écrits sont issus de l’oralité créole. Les auteurs s’inspirent de ce qui constitue la production « oraliculturelle » selon l’expression de Maximilien Laroche.
Le conte est le lieu où sont mises en œuvre différentes stratégies linguistiques qui inscrivent le créole et le français dans un lien interlectal. Des auteurs en effet font souvent le choix du bilinguisme pour l’écriture de contes édités majoritairement par les éditions L’Harmattan et Lafontaine.
Plus rares sont les contes écrits dans la seule langue créole : Sigré bouyon wara, Konpè Tig ké Konpè lapen nous viennent de Guyane où s’installe progressivement dans les écrits un bilinguisme créole/français, Amérindien/français, Africain/français qui rend compte de la diversité linguistique du pays.
Le personnage du conteur
Le conteur reste un personnage important, celui qui a le savoir, celui qui sait compter, le savant, le sage. Car conter est tout un art, l’art d’utiliser tous les registres de la voix, de chanter, d’imiter le cri des animaux, de lancer des devinettes, d’introduire des onomatopées, des virelangues qui donnent un rythme et créent une ambiance particulière. Le conteur devient comédien mimant gestes et attitudes des personnages, il joue pour un public qu’il sollicite sans cesse.
Krik !… lance-t-il... Krak ! répondent les auditeurs. Mistikrik… Mistikrak…
Le conteur est chamanique, c’est souvent le sorcier ou/ et celui qui a le pouvoir religieux (en Afrique) et le pouvoir de guérir (en Caraïbe). Le conteur maîtrise la pharmacopée traditionnelle, il connaît les plantes et détient donc le pouvoir de guérir ou de « faire du mal », c’est selon la demande. Il sait aussi « frotter » (masser), c’est l’ostéopathe et le kinésithérapeute local.
La geste de Ti-Jean
La geste de Ti Jean est postérieure au cycle de konpè Lapen
Deux personnages symbolisent la période de l’esclavage : Konpè Lapen (Compère Lapin) et Ti Jan (Ti Jean). Ils représentent tous deux la résistance caractérisée par la ruse, le refus de la condition d’esclave et la révolte. Ina Césaire pense que « Ti Jan n’est amoral que dans une société elle-même amorale : la société esclavagiste. »
Ti Jean est un personnage commun à tout le Bassin caraïbe.
Personnage référent des contes de la tradition orale, il a souvent été repris, adapté, modifié par les auteurs de littérature de jeunesse. Ti Jean se bat pour améliorer sa condition sociale et l’injustice du monde. Marqué par sa bâtardise, il ne se lamente pas, n’attend rien des autres car il entend forger seul son destin. Le courage est sa vertu principale, qualité qui lui est nécessaire pour traverser les épreuves et conquérir sa dignité.
Annick Press
Fondée en 1975, dés sa création la maison d’édition Annick Press se destine à la jeunesse. Les livres qu’elle publie, tout en reflétant la réalité, restent pleins de fantaisie. Stimulant l’imagination, ils encouragent les jeunes à faire confiance en l’avenir, en leur propre jugement et à leurs capacités.
La maison d’édition Annick Press a de plus le souci de proposer aux enfants canadiens des livres miroirs de leur propre culture.
Ainsi on peut noter quelques titres tirés du répertoire oral des Caraïbes. Ils marquent un renouveau du conte traditionnel en lui donnant une dimension universelle.
- Le mystère de l’île aux épices de Richardo Keens-Douglas et Annouchka Galouchko, 1992
- La diablesse et le bébé de Richardo Keens-Douglas, et Marie Lafrance, 1994
- Anansi and the haunted house de Richardo Keens, et Stéphane Jorisch. Il est publié en français sous le nom de Anansi et la maison hantée, Les 400 coups, 2003
- Ecoute-moi bien ! de Lynette Comissiong et Marie Lafrance, 1997
Mimi Barthélémy
Conteuse, écrivain, scénariste, chanteuse, Mimi Barthélemy, née en 1939 à Port-au-Prince en Haïti, a beaucoup vécu hors de son pays. Cherchant à retrouver ses racines, elle conte en puisant dans la tradition orale d'Haïti. Depuis la fin des années 80, elle écrit ses histoires et conte seule ou avec ses musiciens dans les bibliothèques, les prisons et les hôpitaux. Dans ses contes, elle tisse les deux langues, le français et le créole.
Elle crée et présente aussi des spectacles, travail sur le conte chanté de tradition haïtienne aspirant à la création d'un nouveau type de conte musical avec L'oranger magique (1985), La reine des poissons (1987).
Elle a reçu de nombreux prix.
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SOMMAIRE
1. Emergence d’une littérature. Des thèmes et des traits récurrents
2. Reflets d'enfance
3. Instruire …
4. … pour comprendre hier …
5. ... et pour vivre aujourd'hui
6. L'eau, un motif obsédant
7. Une nature omniprésente
8. La grand-mère, pont par delà les mers
9. Le conte entre tradition et modernité
10. Mots d'enfance
11. L'affirmation d'une littérature
Bibliographie
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par Nicole Brissac
© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, mars 2007-décembre 2024