Article Laméca
Joseph Bologne Chevalier de Saint Georges* (1746-1799)
Moïse Accajou et Bernard Camier (2023)**
Sommaire
- Un musicien mulâtre à Paris à la fin du XVIIIème
- L'œuvre du chevalier de Saint-Georges
- Liste des œuvres
Un musicien mulâtre à Paris à la fin du XVIIIème
La jeunesse et la formation d’un fils de colon
Fils d'un colon d'origine protestante néerlandaise, Georges de Bologne, et d'une femme noire créole affranchie[1], Anne dite Nanon, il est né à Basse-Terre (Guadeloupe) en 1746[2]. L'acte de naissance de Joseph n'a pas été retrouvé, à ce jour, mais nous pouvons connaître son âge assez précisément en consultant les documents conservés dans les archives de Bordeaux, témoignages des traversées entre la Guadeloupe et la France, avec ses deux parents, autour de 1750. En 1753 Georges de Bologne vient s'installer définitivement en France, avec sa femme Elisabeth[3], sa maitresse Nanon et Joseph. La famille Bologne n'était sans doute pas une famille ordinaire. Georges n'a eu qu'un seul enfant[4] avec sa femme légitime et vivra séparé d'elle. Il semble en revanche avoir vécu avec la mère du musicien et, lors d'un voyage en 1749, George de Bologne garantit une rente à vie à Nanon et à sa mère Marguerite, comme on en trouve témoignage dans les archives notariées d'Angoulême[5]. A cette signature devant notaire assistait la femme légitime de Georges Bologne, signe tangible d'un accord tacite du couple sur la place de Nanon dans la vie du père du Chevalier.
On retrouve Joseph Bologne un peu plus tard, au début des années 60, à Paris, où il loge avec son père dans le quartier Saint-André des Arts (à l'emplacement de l'actuel lycée Fénelon), et se forme à deux disciplines dans lesquelles il excellera, l'escrime et le violon. Nous savons que son maître d'arme était Boessiere. De cette époque date son achat d'un office d' "écuyer, conseiller du Roi, contrôleur ordinaire de la guerre"[6]. Il restera onze ans dans cet office. C'est également à cette période qu'il acquiert sa formation musicale. Gossec lui enseigne la composition, mais nous ignorons le nom du violoniste qui le forma[7]. Saint-Georges a dû être un des plus brillants élèves de Gossec car ce dernier lui dédie un de ses opus alors que celui-ci n'a encore rien écrit[8]. On notera en passant, comme cela apparaîtra en d'autres occasions, que le préjugé de couleur en vigueur en France n'empêche pas un compositeur de premier plan de dédier une série d'œuvres à un mulâtre. Une telle situation n'est pas propre à la France : un peu plus tard Beethoven dédiera, dans un premier temps, sa célèbre Sonate à Kreutzer à Georges Bridgetower, violoniste virtuose et mulâtre comme Saint-Georges, avant de se brouiller avec lui, mais pas au point toutefois de lui refuser la création de l'œuvre. La dédicace de Gossec n'est pas la seule et d'autres compositeurs connus ou moins connus se joindront à son exemple – J. Avolio, Antonio Lolli, Carl Philipp Stamitz – traduisant l'estime pour Saint-Georges dans le milieu des compositeurs[9].
Un musicien de premier plan dans la capitale
La carrière musicale de Saint-Georges commence véritablement dans les années 1770, lorsqu'il publie ses premières œuvres et devient premier violon du concert des Amateurs, formation orchestrale privée créée par Gossec. On met souvent en exergue cette position de premier violon en oubliant que la carrière d'instrumentiste était beaucoup moins prestigieuse au XVIIIème siècle[10]. S'il fallait donner un autre exemple de musicien de couleur au même poste on pourrait signaler la présence au Cap français, au cœur de la plus importante colonie d'Ancien régime, du maître de musique Joseph César, né de deux parents africains, premier violon de l'orchestre du Cap[11]. Saint-Georges, néanmoins, a joué un rôle significatif dans l'évolution de l'image du concertiste en la magnifiant et en lui donnant un caractère spectaculaire. Ainsi on se presse pour voir le "fameux Saint-Georges". Il assure par ailleurs la direction de cette illustre formation qui, par l'effectif, constitue à cette époque le plus grand orchestre privé d'Europe. Il semble, d'après les témoignages concordants des musiciens et des auditeurs, que la qualité de l'exécution de l'orchestre des Amateurs était le résultat des exigences artistiques de Saint-Georges. On peut souligner ici encore le caractère très avancé de la sociologie d'un orchestre comme celui des Amateurs, composé de musiciens professionnels[12] et de nobles sous la direction d'un mulâtre, fils d'une esclave affranchie. Là transparaît le rôle décisif, au cours du XVIIIème siècle, des orchestres privés (et au-delà celui des "salons") dans la promotion des musiciens sur la base de leur compétence seule. Lorsque l'orchestre des Amateurs doit arrêter son activité pour des raisons économiques, il est aussitôt remplacé par l'orchestre de la loge Olympique dans lequel Saint-Georges a semble-t-il assuré la direction au moins de façon épisodique, en alternance avec Viotti[13]. Mais à la différence de l'orchestre des Amateurs sa présence n'est pas confirmée par des documents écrits[14]. Cette présence dans l'orchestre de la loge Olympique est, d'autre part, la seule indication consistante d'une appartenance maçonnique de Saint-Georges sur laquelle beaucoup d'inexactitudes ont été écrites. Rien n'a jamais pu être prouvé concernant son inscription à la loge les Neufs Sœurs et cette donnée repose sur un unique témoignage écrit à Basse-Terre[15], en Guadeloupe. Son appartenance supposée à la loge du Contrat Social[16] est fautive car elle néglige l'existence d'un autre chevalier de Saint-Georges, bien réel, venu de Saint-Domingue[17] et reçu effectivement dans cette loge en 1780.
Saint-Georges a une production régulière et les différentes sources que nous possédons de la vie musicale de cette fin de siècle en témoignent. Au Concert Spirituel ce ne sont pas moins de 12 mentions en 12 ans (1775-1787)[18]. Dans la presse parisienne comme cela a été indiqué on trouve une quinzaine d'annonce de vente de ses partitions. La réputation de Saint-Georges dépasse les frontières du royaume et on trouve à l'étranger des ventes de partitions ou des concerts programmant ses œuvres[19]. Cette diffusion est une indication sûre de sa popularité, un violoniste comme Jarnowick allant jusqu'à s'attribuer la paternité des concertos de Saint-Georges qu'il interprétait. Signe révélateur, même lorsque le livret d'un de ses ouvrages lyriques s'avère faible et responsable de l'échec d'une production, sa musique paraît épargnée, comme cela se produit à la première et seule représentation de son opéra-comique Ernestine :
19 juillet 1777. Un joli conte de Mme Riccoboni, qui n'en a guère fait d'autres, a suggéré l'idée d'une comédie en trois actes mêlée d'ariettes[20]. L'un et l'autre sont intitulés Ernestine et c'est tout ce qu'ils ont de commun. Le plan, la conduite, les caractères et le style du drame, rien n'a trouvé grâce devant l'assemblée du 19 juillet, qu'honorait la présence de la Reine, de Madame et de Madame la comtesse d'Artois. Mais on a distingué dans la musique des duos très piquants, des airs bien faits et des morceaux d'ensemble qui annoncent dans l'amateur à qui elle est attribuée, des connaissances, du talent et de la facilité.[21]
L'activité de Saint-Georges, en tant que soliste et chef d'orchestre, se poursuivra jusque sous la Révolution tant à Paris qu'en province[22] au gré des circonstances et des aléas. Le terme "activité" semble plus adapté que "carrière" car aucune des places occupées ne constitue une fonction dans un organisme durable, d'où le terme "amateur" au sens du XVIIIème c'est-à-dire "non professionnel", souvent accolé à son nom. Les concerts des Amateurs et de la loge Olympique sont des orchestres privés et les directions plus tardives sous la révolution sont elles aussi sous le signe de l'occasion non sous celle de la fonction. La seule donnée que nous ayons sur une possible carrière est celle d'un échec. Saint-Georges se propose en effet pour la direction de l'Académie Royale de Musique (nom de l'Opéra de Paris sous l'Ancien Régime), mais se retrouve en butte à l'hostilité définitive de plusieurs chanteuses et danseuses qui refusent d'être dirigées par un mulâtre. Cet épisode du plafond de verre racial qui voit ainsi stoppé net celui qui était, sans doute, un des meilleurs musiciens de son époque est à double sens, comme l'épisode des dédicaces. En effet si la Guimard et ses collègues utilisent un argument raciste pour écarter Saint-Georges[23], on doit noter que dans l'élite de l'époque ce dernier avait des appuis très haut placés pour briguer le poste (on parle de Necker[24]). Plus tard, de façon analogue, Guillaume Guillon Léthière[25] devra au soutien du frère de Napoléon son poste à la villa Médicis à Rome.
La fin de sa vie et la postérité
Sous la révolution Saint-Georges reprend une carrière militaire et celle-ci a été décrite par de nombreux auteurs, sans qu'il soit besoin de la détailler ici. Indiquons cependant que là aussi se manifeste les hostilités souvent frontales vis-à-vis d'un homme dont la loyauté envers le nouveau régime a été totale. Son action contre Dumouriez trahissant la République est un fait d'arme courageux et remarquable. Grâce à Saint-Georges le passage à l'ennemi d'un général et de ses troupes, ainsi que la chute probable de la ville de Lille, ont été évités. Il lui en sera peu tenu gré. Doit-on considérer comme une récompense de ne pas avoir été guillotiné dans les moments de terreur politique ? Il meurt à Paris (chez lui, au n° 125 de l'actuelle rue de Turenne, dans le quartier du Marais) le 10 juin 1799, dans une relative indifférence, et si quelques annonces nécrologiques paraissent ses obsèques sont discrètes. Pierre Bardin a découvert récemment le lieu où fût inhumé Saint-Georges, le cimetière de l'église Sainte-Marguerite (située dans l'actuel 11ème arrondissement de Paris, 36 rue Saint-Bernard), cimetière qui sera fermé au début du XIXème[26], et qui, pour la petite histoire, a longtemps été tenu comme dernière demeure de Louis XVII.
Cependant cet oubli sera de courte durée et dès le début du XIXème siècle se met en place une légende qui ne cessera pas depuis. Luc Nemeth[27] a bien montré comment cette écriture de l'histoire de Saint-Georges est un miroir tendu aux contemporains qui, jusqu'à aujourd'hui, y laisseront transparaître l'idéologie du moment voire leurs intérêts partisans, en transformant son histoire exceptionnelle en véritable enjeu de mémoire. De façon très générale deux éléments semblent se conjuguer pour prolonger une injustice qui perdure. D'une part une méconnaissance de sa musique et de celle de son époque. D'autre part une focalisation excessive sur les aspects spectaculaires de sa vie. Sa vie a été un roman[28], nul n'en disconvient, mais elle n'a pas été la seule dans un siècle où les destins individuels commencent à apparaître au grand jour. S'attarder comme le fait La Laurencie, le premier musicologue à avoir traité de la musique de Saint-Georges[29], sur sa vie (41 pages) pour réserver à sa musique la portion congrue (11 pages), n'est-ce pas répéter encore et encore le stéréotype du XVIIIème siècle derrière le lequel on sent poindre une ambiguïté de mauvais aloi[30].
En définitive ce qui disparaît derrière l'anecdote c'est la musique elle-même. On ne peut ici que se réjouir de la diffusion de sa musique, y compris en Guadeloupe, et du travail constant et durable autour de son œuvre, qu'il s'agisse d'exécution, d'édition et d'analyse. C'est une tâche de réhabilitation nécessaire : chasser les légendes qui entourent Saint-Georges pour redonner à son œuvre la place qu'elle mérite.
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L'œuvre du chevalier de Saint-Georges
De tous les aspects qui entourent la vie et l’œuvre du chevalier de Saint-Georges, la musique constitue sans nul doute le seul legs ‘’vivant’’ que nous possédons de ce personnage, grâce à ses œuvres - conservées aujourd’hui dans plusieurs bibliothèques d’Europe ou des États-Unis - qui laissent le témoignage d’un compositeur habile et d’un violoniste émérite[31].
Témoin d’un état d’esprit marqué, au siècle des lumières, par cette volonté de rupture avec les vastes architectures polyphoniques du style baroque jugées trop complexes, l’œuvre du chevalier de Saint-Georges s’inscrit résolument dans le courant du style galant, art de l’intime, de la confidence caractérisé (au cours de la seconde moitié du XVIIIème siècle) par un discours musical fondé sur l’articulation de courtes phrases [musicales] variés, équilibrées recourant aux formes en vigueur à cette époque (rondo, forme sonate ou thème avec variations) élaborée sur une texture légère de type homophonique. Peu dramatique, la musique de Saint-Georges abonde en mélodies, à la fois gracieuses et légères, laissant également apparaitre un goût pour la virtuosité notamment à travers ces symphonies concertantes et ses concertos (rappelons à ce propos qu' au 18ème siècle l’apparition d’un public, principalement bourgeois, désireux de se divertir et manifestant un goût croissant pour la virtuosité, déterminera pour une bonne part l’orientation esthétique de nombreux compositeurs dans le genre très prisé de la symphonie concertante).
Les quatuors à cordes et la musique de chambre pour harpe
C’est avec la publication des 6 Quatuors à cordes op. I paru en 1773 chez l’éditeur Sieber et dédié au Prince de Robecq que Saint-Georges fait ses premières armes en tant que compositeur. Dans ce domaine, en France, cette œuvre fait partie des premiers ouvrages connus aux cotés des quatuors à cordes de Gossec (op. XV, 1772), Capron (op. II, 1772) ou Davaux (op. VI, 1773). Conformément à l’usage du temps ces quatuors sont structurés en deux mouvements. Les premiers mouvements adoptant le schéma de l’allegro de sonate, les mouvements finaux revêtant la forme rondeau. Œuvres concises et peu denses, ces quatuors offrent ce mélange singulier de vivacité et de mélancolie qui témoignent, sans nul doute, du tempérament de leur auteur.
A la suite paraitront deux recueils de 6 quatuors concertants chacun, l’un sans n° d’opus en 1778, l’autre sous le numéro d’opus XIV en 1785, dénomination[32] qui suggère l’emploi d’une écriture de type concertant fondée sur un jeu en alternance ou d'échange de soli entre les quatre instruments. Témoignage éloquent, s'il en est, de cet "art de la conversation" qui constitue l’une des valeurs sûres de cette société française au 18ème siècle. Structurés notamment en deux mouvements, Saint-Georges recourt cependant à d’autres schémas formels tel que la forme thème et variations comme mouvement conclusif en lieu et place du rondeau final.
A côté de ces quatuors à cordes, il faut mentionner l’existence d’une sonate pour harpe et flûte sans date qui fut probablement composée pour madame de Montesson ou madame de Genlis[33]. L’œuvre qui compte 3 mouvements (andante-menuetto-rondeau) s’inscrit dans un vaste répertoire qui reflète l’immense popularité de cet instrument, auquel contribua la reine Marie-Antoinette, au cours de la seconde moitié du 18ème siècle.
Les Sonates pour clavecin et violon
Dans le domaine de la sonate pour clavecin et violon, on mentionnera l’existence d’un recueil de Trois sonates pour violon et clavecin ou pianoforte paru chez Leduc en 1781. Désigné comme étant la première œuvre pour clavecin de Saint-Georges avec partie de violon obligée, l’œuvre mérite une attention particulière en ce qu’elle témoigne d’un aboutissement dans l’évolution de la sonate pour clavecin et violon. Jusqu’alors relégué à un rôle secondaire (confiné à un rôle de doublure), le violon allait, dans le dernier quart du 18ème siècle, se voir traiter sur un même pied d’égalité collaborant de manière plus étroite avec le clavecin dans l’attribution des thèmes et motifs jalonnant le discours musical. Toutes ces sonates sont construites en deux mouvements : un allegro ou allegro moderato suivi d’un tempo di minuetto, d’un andantino ou d’un rondo gratioso. Les premiers mouvements se conforment au schéma de l’allegro de sonate tandis que les seconds mouvements épousent la forme rondeau. L’écriture pour clavecin ou pianoforte – à la fois volubile et brillante avec ces nombreuses figurations virtuoses (gammes, batteries, arpèges) démontre, à cette période, une forme de monopole de la sonate détenue par le clavecin tandis que le violon verra sa virtuosité se déployer davantage dans le concerto.
Signalons qu’il existe une copie manuscrite de ces 3 sonates inséré dans un recueil dédié à une certaine comtesse de Vauban. Portant le titre suivant : Trio/Pour le pianoforte/Del Signor St Georges/ pour madame la comtesse de Vauban ce recueil manuscrit de 212 pages, constitué semble-t-il vers 1784-1785, contient de nombreuses esquisses de pièces pour violon et pianoforte ainsi que quelques pièces pour le pianoforte seul.
Les concertos
Au cours de cette année 1773 (date de publication des 6 premiers quatuors à cordes op.I) paraitront les premiers concertos pour violon[34] genre dans lequel Saint-Georges se montrera prolixe avec un total de 14 concertos – publiés presque tous par groupe de deux (op. II[35], III, IV, V[36], VII, VIII[37]…) – y démontrant sa maitrise de l’instrument faite d’audace et de bravoure, se jouant des plus grandes difficultés, en particulier dans l’emploi des hautes positions. Sur le plan formel, ces concertos sont invariablement tripartites avec pour indication de mouvements : allegro - largo, adagio ou andante - rondeau. Le 1er mouvement repose sur une alternance soli-tutti (réparti en 4 tutti qu’encadrent généralement 3 soli). Le deuxième mouvement étant généralement de forme bipartite pouvant adopter le caractère d’une romance. Cette dernière constitue un instant propice à l’expression des affects, avec des rythmes saccadés parfois entrecoupée de silences au ton dramatique voire plaintif. Saint-Georges donne ici la pleine mesure de son talent de mélodiste. Le 3ème mouvement se conforme une fois de plus, à une exception près, à la forme rondeau, laquelle très en vogue chez les compositeurs français de cette époque, consiste en l’usage d’un refrain suivi de deux ou trois couplets (l’un d'eux étant systématiquement écrit en mineur), avec une reprise finale obligée du refrain.
Les Symphonies et symphonies concertantes
Si la contribution de Saint-Georges au genre de la symphonie s’est limitée à deux symphonies (op. XI[38] parue chez La Chevardière en 1779 – celle qu’il apportera dans le domaine de la symphonie concertante sera tout autre à la fois par la quantité (8 symphonies concertantes) mais également par la « position » qu’occupent historiquement ces œuvres puisque celles-ci figurent parmi les premières symphonies concertantes connues composées en France aux alentours de 1770.
Genre hybride né de la fusion du concerto grosso, du concerto, du divertissement et de la symphonie, la symphonie concertante se définit comme un concerto à plusieurs instruments (variant de 2 à 11 solistes) donnant lieu à des combinaisons originales de timbres. D’expression galante[39], axée sur la virtuosité et sur une certaine primauté accordée à la mélodie, elle est le lieu d’un véritable dialogue où les solistes échangent tour à tour leurs soli à la manière d’une conversation.
Majoritairement écrite pour deux violons, publiées par groupe de deux (op.VI, IX, X, XII, XIII) entre 1775 et 1782 chez les éditeurs Bailleux, La Chevardière, Le Duc et Sieber, ces œuvres sont toutes construites en deux mouvements (allegro-rondeau) à l’exception de l’opus VI n°2 qui en compte trois (allegro-andante amoroso-rondeau) offrant cette particularité (tout comme l’opus VI n°1) de remplacer le deuxième violon solo par une partie de violoncelle obligée. L’orchestre qui comprend les cordes avec hautbois et cors ad libitum (sauf pour l’opus XII et XIII) n’intervient jamais de façon dramatique se contentant d’accompagner les solistes de manière discrète.
A propos des œuvres posthumes de Saint-Georges
Dans l’état actuel de nos connaissances, nous savons que l’éditeur Pleyel publia à titre posthume, à la mort de Saint-Georges (1799), trois œuvres : un concerto pour violon, 6 airs variés pour deux violons et 6 sonates pour 2 violons publiées en deux cahiers de trois sonates chacune. Neal Zaslaw, musicologue américain qui a dressé une liste des œuvres instrumentales du chevalier pour le R.I.S.M (Répertoire International des Sources Musicales vol. 7 pp.306-307) a indiqué pour le concerto et les six sonates -répertoriés respectivement sous les références S.366 et S.364-S.365 - des exemplaires conservés dans plusieurs bibliothèques d’Europe et des Etats-Unis. Il n’y a, en revanche, aucune indication s’agissant des six airs variés pour lesquels, dès 1812, le musicographe allemand Gerber fût le premier à en révéler l’existence dans son Neues historisch-biographisches Lexikon der Tonkünstler (tome II, pp.290-291)[40]. Dans les nombreux articles ou dictionnaires dressant un inventaire des œuvres du chevalier de Saint-Georges, ces airs sont cités mais considérés comme perdus[41]. Il existe, en réalité, un exemplaire conservé au conservatoire de région de Lyon où l’œuvre, totalisant un nombre de 18 pages, est répertorié sous la côte R.A.220 (12). En voici le titre exact[42] :
SIX/AIRS/VARIES/Pour le Violon/Avec accompagnement d’un violon/par/
St GEORGE/1er Œuvre posthume/PRIX 6fr. /gravés par Richomme/A PARIS/
Chez Pleyel rue neuve des petits champs n°7 28 entre les rues /De la loi et
Helvetius/propriété de l’éditeur/enregistré à la bibliothèque nationale/242.
La page de titre nous amène à constater que Pleyel avait publié cette œuvre sans privilège, le dépositaire légal étant désormais la Bibliothèque nationale (et non la bibliothèque du roi dans sa première appellation). Il faut en effet rappeler que la Révolution française avait entraîné, en 1790, l’abolition des lettres de privilèges qui accordaient aux éditeurs ou aux compositeurs l’exclusivité des œuvres qu’ils souhaitaient faire publier permettant ainsi d’éviter les nombreuses contrefaçons. D’après Rita Benton[43], Pleyel ne ménageait pas ses efforts pour porter à la connaissance du public toutes les œuvres qu’il faisait éditer, et ce, à travers trois journaux nouvellement fondés à cette époque : le journal typographique et bibliographique (1797) ; le journal général de la littérature de France (1798) (dans lequel paru, en 1799, un article nécrologique sur Saint-Georges) et le allgemeine musikalische Zeitung (1798), journal basé à Leipzig. La publication de ces six airs variés fût ainsi annoncée dans le journal typographique et bibliographique du 20 frimaire AN VII soit le 11 décembre 1799[44], 7 mois après la mort de Saint-Georges. On trouve ces 6 airs variés mentionnée dans les catalogues de Pleyel - dans la rubrique, petits airs, airs variés et walses [sic]- jusqu’en 1803-1804. Au-delà de ces dates, toute trace de ces airs semble avoir disparue.
L'œuvre vocale
Dans le domaine vocal, Saint-Georges reste l’auteur de 6 opéras-comiques ou comédies à ariettes (Ernestine, La Chasse, l’Amant anonyme, La fille-garçon, le marchand de marrons, Guillaume tout-cœur) considérés comme perdus - à l’exception de l’Amant Anonyme (1780), dont le manuscrit a été conservé dans son intégralité - ou pour lesquels subsistent des fragments ou des arrangements. Sa production lyrique débute en 1777 avec la représentation d’Ernestine, comédie à ariettes en 3 actes, à la Comédie Italienne. L’œuvre ne survivra que le temps de sa création dû, semble-t-il, à la qualité du livret écrit par Choderlos de Laclos (auteur des futures Liaisons Dangereuses) malgré la musique jugée savante et ingénieuse. De cette œuvre aujourd’hui ne subsistent que quatre fragments conservés dans un recueil manuscrit[45]. La même année cependant, Le Journal de musique par une société d’amateurs[46], annonce la mise en vente de plusieurs airs détachés d’ERNESTINE, comédie en trois actes mise en musique par M. de Saint-Georges chez M. Houbaut.
Le 12 octobre 1778 Saint-Georges fera représenter une nouvelle comédie à ariettes en 3 actes et en prose intitulé la Chasse dont l’accueil semble avoir été plus favorable. On sait que cette œuvre sera jouée à Marly en présence de la famille royale quelques jours plus tard, le 16 octobre. L’œuvre sera jouée par la suite 4 fois au Lycée dramatique (salle des élèves de l’opéra) à Paris en 1791, 8 fois au théâtre de l’ambigu-comique en 1792 puis 2 fois au théâtre des Variétés en 1793. Le livret, dû à la plume d’un certain Desfontaines (de son véritable nom François-Georges Foucques), ainsi qu’un air (Air de Colette : « Soir et Matin sur la fougère ») arrangé pour voix et harpe publié dans un recueil d’airs en 1783[47], constituent les seuls témoignages qui aient été conservés de cette œuvre aujourd’hui perdue.
Il faudra attendre deux ans pour qu’à nouveau Saint-Georges écrive une nouvelle comédie, avec L’Amant Anonyme dont la création, le 8 mars 1780, semble avoir eu lieu dans le théâtre de Madame de Montesson.
Le livret de cet opéra s’inspire d’une pièce de théâtre en 5 actes du même nom dû à Madame de Genlis[48].
L’ouverture qui introduit cet opéra ne sera autre que la Symphonie op. XI n°2 en ré majeur publiée en 1779 indiquant, s’il en est, que la symphonie demeurait encore liée à sa fonction première de sinfonia avanti opera chez certains compositeurs de cette époque. L’œuvre comprend 2 actes enchaînant des duos, trios, un quatuor, un quintette, des chœurs, des airs et ariettes ainsi que plusieurs pièces instrumentales (dénommées danses et Ballets) pour s’achever par une contredanse générale dont le thème est celui du rondeau tiré du concerto pour violon op. IV n°1 paru en 1774.
En 1787, Saint-Georges fait représenter à nouveau une comédie en 2 actes et en proses mêlée d’ariettes intitulé la Fille-garçon qui rencontre un succès. L’auteur du livret était un certain Desmaillot qui avait travaillé pour les petits théâtres des boulevards et pour le Palais-Royal. On a suggéré que cette œuvre avait été inspirée par la chevalière d’Eon que Saint-Georges eu à affronter en duel au cours de son premier séjour en Angleterre en 1787. L’année suivante sera donnée une autre comédie intitulée le Marchand de Marrons au théâtre du Beaujolais, l’œuvre étant également perdue tout comme Guillaume tout-cœur, crée en 1790, qui demeure sa dernière œuvre dans le genre.
A côté de ces opéras, on dénombre une centaine d’airs et romances conservés pour certains en copie manuscrite dans un recueil ("d’airs avec accompagnement de pianoforte") dédié une fois de plus à la comtesse de Vauban ou publiés dans divers périodiques du temps (Le journal de guitare, Le journal de harpe, Etrennes de Polymnie)[49]. Plusieurs de ces œuvres étaient, semble-t-il, appréciées et jouées tant à Paris qu’en Province. Toute la verve sentimentale de Saint-Georges s’exprime ici à travers des pièces aux titres variés : Adieu Lizette, Amour charmant Anacréon, l’Amour est un enfant trompeur, Dans mon cœur agité… et dont il écrivait quelquefois lui-même les paroles.
Saint-Georges est donc, comme soliste et chef d'orchestre, un personnage central de la vie musicale des années 1770-1780 et un auteur important dans le domaine du quatuor, de la symphonie concertante et du concerto. Son apport se mesure aussi en termes d'influence sur les contemporains et Gabriel Banat a ouvert une voie originale en s'interrogeant sur les relations entre l'œuvre de Saint-Georges et celle de Beethoven. Compte tenu de la diffusion de son œuvre, significative comme on l'a vu, il y a là sans doute une voie de recherche intéressante qui demande à être enrichie. C'est assez pour dire que l'œuvre de Saint-Georges continue de nous questionner.
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Musique de chambre
- Quatuors à cordes publiés par groupe de six : op. I, Sieber (1773)/ sans n° d’opus, Durieu (1778)/op. XIV, Boyer (1785).
- 3 sonates pour clavecin ou pianoforte et violon, Le Duc (1781).
- Une sonate pour harpe et flûte, copie manuscrite (sans date).
- 6 sonates pour deux violons, Pleyel, œuvre posthume (1799).
- 6 airs variés pour deux violons, Pleyel, œuvre posthume (1799).
- Recueil manuscrit de pièces pour violon et piano et quelques pièces pour piano seul intitulé par erreur Trio Pour le pianoforte dédié à la comtesse de Vauban (vers 1784-1785).
Musique symphonique
- Concertos pour violon publiés presque par groupe de deux : (2) op. II, Bailleux (1773)/(2) op. III, Bailleux (1774)/ (2) op. IV, Bailleux (1774)/ (1) sans n° op. , Sieber (1774)/ (2) op.V, Bailleux (1775)/ (2) op. VII, Bailleux (1777)/ (1) op. VIII n°9 Henry (1777)/ (2) N°10 et 11, Sieber (1778)/(1) Op. Posth., Pleyel (1799) qui n’est autre qu’une réédition du concerto op. IV n°1 paru chez Bailleux en 1774.
- Un concerto pour clarinette (perdu)/ Un concerto pour basson (perdu)/Un concerto pour violoncelle (perdu).
- Symphonies concertantes principalement à deux violons publiées par groupe de deux : (2) op.VI, Bailleux (1775)/ (2) op. IX, Le Duc (1777)/ (2) op.X, De La Chevardière (1779) dont l’une est écrite pour deux violons et un alto/ (2) op. XII et XIII, Sieber (1782).
- Symphonies : 2 symphonies op. XI, De La Chevardière (1779).
Musique vocale
- Six comédies à ariettes : Ernestine (1777)/La Chasse (1778)/L’Amant Anonyme (1780)/La Fille-Garçon (1787)/ Le Marchand de Marrons (1788)/Guillaume tout-cœur (1790).
- Recueil d’airs avec accompagnement de pianoforte dédié à la comtesse de Vauban (vers 1775) auxquels s’ajoutent Plusieurs airs, chansons et romances publiés dans divers périodiques de l’époque (Le journal de harpe, Le journal de guitare, Etrennes de Polymnie…).
- Recueil d’airs et de duos [avec orchestre] comprenant entre autre plusieurs fragments d’Ernestine.
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[*] On a entre les années 1770 et la fin du XVIIIème la publication à Paris d'une quinzaine d'œuvres de Saint-Georges, la moitié porte une orthographe de son nom avec un "s" final, l'autre moitié sans cet "s". Dans ses signatures manuscrites Saint-Georges signe avec un "s" final, on s'en tiendra donc à cette dernière orthographe. Voir Devries-Lesure, Annick, L'édition musicale dans la presse parisienne, catalogue des annonces, Paris, Editions du CNRS, 2005.
[**] Moïse Accajou est professeur certifié d'éducation musicale au collège et chercheur indépendant.
Bernard Camier est agrégé de musique, docteur en histoire, ancien professeur de musique au Lycée Baimbridge (1989-2016) et est depuis 2005 chercheur associé au laboratoire AIHP-GEODE de l’université des Antilles.
[1] L'acte notarié d'Angoulême (cf infra) indique que Nanon est affranchie. Elle est donc née esclave. Mais quand a-t-elle été affranchie ? Avant ou après la naissance de Joseph ? Ce même acte mentionne, en 1749, des arriérés de gage dus depuis 7 ans. Si elle avait été esclave de pareils gages auraient été incongrus. En 1774 le testament du père du chevalier de Saint-Georges indique, par ailleurs, que Nanon était à son service depuis environ 30 ans. Sur le plus ancien document contemporain connu Nanon est mentionnée comme "pour servir [sa] maîtresse" (Archives municipales de Bordeaux, 6B/50, 1749). Toutes ces informations biographiques sont tirées de l'ouvrage de référence, celui de Pierre Bardin Joseph de Saint-George, le chevalier noir, Paris, Guenegaud, 2006.
[2] Concernant l’année de naissance présumée de Saint-Georges, plusieurs dates sont proposées dans la littérature : 1739 (Guédé), 1745 (Banat, Ribbe, Panafieu), 1748 (Smidack). Pierre Bardin, cite les archives de l'amirauté de Bordeaux : "le 1er septembre 1748, Madame de Boulogne Saint-Georges déclare au greffe de l'amirauté de Guadeloupe qu'elle va s'embarquer pour la France avec « la négresse Nanon créole de cette isle âgée d'environ 20 ans, petite taille le cristallin des yeux vissieux, visage rougeatre et un petit mulâtre son fils nommé Joseph âgé de deux [ans] ». Selon ces informations le Chevalier de Saint-George serait donc né en 1746 (Pierre Bardin, op. cit., pp. 42-43).
[3] Elisabeth Mérican dont les aïeux maternels sont la famille Deblaine de Vieux Habitants. Voir Godet-Langlois, Jean et Denise, Dictionnaire des familles guadeloupéennes de 1635 à 1700, Fort-de-France, Exbrayat, 1991.
[4] Elisabeth Bénédictine née le 21 janvier 1740 à Basse-Terre, baptisée le 30 de ce même mois. Cette demi-sœur de Joseph entretiendra toute sa vie des relations avec lui. Cité par Pierre Bardin op. cit. p. 40. Voir également les registres paroissiaux de Basse-Terre disponibles en ligne sur le site des Archives Nationales Section d'Outre-Mer (Aix-en-Provence).
[5] Archives départementales de la Charente, Angoulême, Notaire Filhon 14 juillet 1749. Cité par Pierre Bardin op. cit. p. 43.
[6] Charge achetée en 1763, confirmée officiellement en 1764. Voir Bardin, Pierre, op. cit. pp. 58-59.
[7] On a parlé de Jean-Marie Leclair sans que la preuve en ait été apportée jusqu'ici.
[8] Il s'agit des Six trios opus IX, publiés en 1766. Saint-Georges aurait donc entre quinze et vingt ans. Voir Role, Claude, Gossec, Paris, L'Harmattan, 2000.
[9] Voir Devriès-Lesure, Annick, op. cit.
[10] Il y a dans les colonies françaises des Antilles de nombreux exemples d'esclaves violonistes dans les orchestres des salles de spectacles, comme ailleurs dans l'Amérique des plantations, signe tangible de ce manque de considération pour les instrumentistes. Voir Camier, Bernard, Musique coloniale et société à Saint-Domingue dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Thèse de doctorat, Université des Antilles-Guyane, 2004.
[11] Soliste il joue d'ailleurs, devant l'élite de la société coloniale, des concertos de…Saint-Georges! Voir Camier, Bernard, op. cit.
[12] Et donc, pour leur très grande majorité, simples roturiers.
[13] Qui a été le professeur de Joseph César, premier violon du Cap cité plus haut, singulier croisement des destins. Voir Sonneck, Oscar, Early Concert Life in America, Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1907.
[14] L'information selon laquelle Saint-Georges aurait été chargé de négocier la commande à Haydn des six symphonies dites "parisiennes" pour le compte de la loge Olympique repose sur une seule source et n'a, jusqu'à aujourd'hui, pas été prouvée : Barbedette, Hippolyte, "Les compositions de Joseph Haydn" in Le Ménestrel, 24 décembre 1871, p. 27 et Vignal, Marc, Haydn, Fayard.
[15] Loge "Les cœurs unis" de Basse-Terre. Courrier du vénérable Jouve du 22 août 1784 (Bibliothèque nationale de France (BnF), Département des manuscrits, Fond maçonnique, FM2 516).
[16] Voir Chevalier, Pierre, Histoire de Saint Jean d'Écosse du Contrat Social, Paris, Editions Ivoire Clair, 2002, p. 273. Réception le 13 décembre 1780.
[17] Thomas, Frédéric chevalier de Saint-Georges est né au Luxembourg en 1749. Il a été "agrégé" (le fait pour une loge d'agréger un franc-maçon consiste en l'admission comme membre d'un franc-maçon appartenant précédemment à une autre loge) à la loge "la Vérité" du Cap français en 1775. Trois ans plus tard il est mentionné "maître en tous grades" (BnF, Département des manuscrits, Fond maçonnique, FM2 543). Comme le souligne Pierre Bardin la phrase des archives de la loge le Contrat Social mentionnant un "chevalier de Saint-Georges" contenait une indication qui aurait dû stopper toute spéculation sur ce sujet : "le chevalier de Saint-Georges de l'Orient de Saint-Domingue" (c'est nous qui soulignons). Dans une colonie aussi raciste que Saint-Domingue Saint-Georges, qui par ailleurs n'y a jamais séjourné en l'état actuel de nos connaissances, n'avait aucune chance d'être reçu franc-maçon et encor moins "haut-gradé" comme Thomas Frédéric. On ne trouve à Saint-Domingue, par exemple, qu'un seul frère "servant" (c'est-à-dire domestique) de couleur, alors qu'ils sont relativement plus nombreux en Guadeloupe et Martinique. Voir sur ce sujet Camier, Bernard, "Franc-maçonnerie de couleur aux Antilles au XVIIIème siècle" in La grande Loge de France dans les Caraïbes-Amériques, Points de vue initiatiques n° 173, Paris, Grande Loge de France, 2014.
[18] Constant, Pierre, Histoire du concert spirituel 1725-1790, Paris, Société française de musicologie, 1975.
[19] Pour Saint-Domingue et la Dominique voir Camier, Bernard, « La renommée de Saint-Georges aux Antilles » in Le fleuret et l’archet Le chevalier de Saint-Georges (1739?-1799) créole dans le siècle des Lumières, Basse-Terre, Catalogue de l’exposition du Conseil Général, 2001, pp. 6-9 et « Les spectacles musicaux en Martinique, Guadeloupe et Dominique à la fin du XVIIIème » in Bulletin de la société d’Histoire de la Guadeloupe, n° 130, Basse-Terre, 2001, pp. 3-25. Voir également pour le catalogue de la cathédrale Sucre (Bolivie) qui contient des œuvres de Saint-Georges archivées au XVIIIème : Stevenson, Robert, Renaissance and Baroque Sources in the Americas, Washington, Organization of the America States, General Secretariat, 1970, p. 249. Alfred Einstein relève par ailleurs que le répertoire de la soliste Strinasacchi qu'accompagnait Mozart à Vienne au milieu des années 1780 comprenait des œuvres de Saint-Georges. Voir Einstein, Alfred, Mozart, Paris, Gallimard, 1991 (1ère ed. 1968), p. 329.
[20] L'adaptation signée Choderlos de Laclos (l'auteur des Liaisons dangereuses) est, de l'avis général, ratée!
[21] D'Origny, Antoine, Annales du théâtre italien des origines à nos jours, Paris, Veuve Duchêne, 1788, tome 2, pp. 112-113. La formule "du talent, des connaissances et de la facilité" paraît sévère mais il faut se rappeler que l'année suivante un certain Mozart rencontrera une indifférence (à peine) polie de la part de ce même public…
[22] Lesure, François, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999. En 1791 Saint-Georges dirige à Lille une ouverture de Guénin, un concerto pour violoncelle de Pleyel et une symphonie de Paisiello dans la nouvelle salle de Lille (construite en 1787).
[23] Gabriel Banat a montré qu'en réalité cet argument raciste cache autre chose car les directeurs qui prendront la place convoitée par Saint-Georges jetteront l'éponge par la suite devant les caprices de la star (la demoiselle Guimard qui est l'instigatrice de ce groupe de trois artistes). Il semble que ce que redoutait l'artiste concernée, au-delà du fait d'être dirigée par un mulâtre, était l'exigence artistique de Saint-Georges devant lequel elle n'aurait sans doute pas pesé lourd. Voir Banat, Gabriel, The Chevalier de Saint-Georges: Virtuoso of the Sword and the Bow, New York, Pendragon, 2006.
[24] Saint-Georges gravitait dans un milieu où il fréquentait des personnages très élevés dans la hiérarchie sociale de l'ancien régime comme Mme de Montesson (épouse morganatique de Philippe d'Orléans frère du roi, futur "Philippe Egalité" et père de Louis Philippe), Madame de Genlis nièce de Madame de Montesson préceptrice des enfants du duc d’Orléans, ou encore le futur souverain britannique George IV.
[25] Mulâtre fils d'un procureur du roi et d'une esclave affranchie de Sainte-Anne en Guadeloupe.
[26] Voir le document au Archives de la préfecture police de Paris : Archives de la police, Aa 173, section de Montreuil, 10 juin 1799 cité dans le n° 222 de la revue Généalogie et histoire de la Caraïbe, 2009, p. 5791.
[27] Nemeth, Luc, "Un état-civil chargé d'enjeux : Saint-George, 1745-1799" in Annales historiques de la Révolution française, n°339, Janvier/Mars 2005, pp. 79-97.
[28] De nombreuses biographies de Saint-Georges empruntent d'une façon ou d'une autre cette pente qui conduit généralement à gêner une appréciation juste de l'apport de Saint-Georges. Ainsi en est-il de la première de ces biographies romancées celle de Roger de Beauvoir. Certaines des dernières publications sur Saint-Georges celles d'Alain Guédé, ou de Claude Ribbe nous paraissent également souffrir de ce défaut.
[29] La Laurencie, Lionel, L'école française du violon, Paris, Delagrave, 1922-24, pp. 449-500.
[30] Comment ne pas sursauter par exemple devant cette remarque raciste de La Laurencie :"Le chevalier de Saint-Georges était, en dépit de son teint (c'est nous qui soulignons), un tendre, un sentimental"? (La Laurencie, Lionel, op. cit. p. 460). Là transparaît sans doute l'intérêt trouble pour Saint-Georges. Ce n'est pas en définitive tant sa musique qui intéresse, c'est qu'elle soit écrite par un Noir, triste illustration de la force du préjugé.
[31] Indication suffisante qui nous amène à constater que Saint-Georges, comme bon nombre de ses contemporains, était connue et jouée au-delà des frontières… Certaines œuvres étaient diffusées en Allemagne ainsi qu’en témoignent les suppléments XI, XII, XIV, XV au catalogue thématique de l’éditeur Breitkopf.
[32] S’agissant du recueil publié sans n° d’opus, il convient de mentionner l’existence de deux transcriptions pour deux violons, tirées séparément de l’aria andantino [avec variations] du Quatuor concertant n°2 et du rondeau du Quatuor concertant n°4, parues dans le Journal de violon dédié aux amateurs de l’éditeur Bornet respectivement en Mai 1786 (n°5) et Avril 1789 (n°4).
[33] On peut également supposer que cette œuvre pourrait avoir été écrite pour Marie-Antoinette ainsi que le laisse à penser le sceau royal figurant sur le manuscrit indiquant la provenance d’origine de cette sonate : la bibliothèque royale.
[34] Il faut également indiquer deux concertos qui ont été perdus : l’un pour clarinette et l’autre pour basson joués plusieurs fois au Concert Spirituel entre 1782 et 1787. Michelle Garnier-Panafieu signale aussi un concerto pour violoncelle joué à Lille en 1792. (Le chevalier de Saint-Georges, un contemporain atypique de Mozart, p.78).
[35] L’op. II n°1 est connu également sous la forme de deux transcriptions : 1) en sonate pour clavecin et violon qui se trouve dans un recueil intitulé choix de musique paru en 1783 et dédié au Duc Régent des Deux-Ponts, 2) en symphonie concertante pour 2 violons dont n’existe que l’incipit.
[36] Il existe deux éditions du Concerto pour violon op.V n°1 L’une paraissant chez Bailleux en 1775. L’autre chez Sieber publié peut-être la même année ou avant. En voici le titre pour l’édition Sieber : CONCERTO/ A Violon Principal/ Premier et Second Violon Alto et Basse/ Deux Hautbois Deux Cors/ Composés/ par/ Mr DE St GEORGE/ PRIX 4. £ 4. / A. PARIS. / Chez le Sr. Sieber. Rue St. Honoré à l’hôtel D’Aligre/Ancien Grand Conseil ou l’on plusieurs nouveau œuvre/
[37] Le Concerto op. VIII n°9 publié une première fois chez Leduc en 1777 puis réédité à nouveau chez Henry en 1778. Selon Barry S. Brook (La symphonie Française dans la seconde moitié du 18ème siècle, tome III, p.3) l’éditeur Henry était le beau-père de Leduc (de son prénom Pierre). Leur adresse d’éditeur était identique et ils utilisaient les mêmes planches.
[38] Ces deux symphonies sont en 3 mouvements. L’orchestration se limite aux cordes, 2 cors et 2 hautbois. La Symphonie op. XI n°2 est connue comme l’ouverture de l’Amant Anonyme (1780).
[39] Style se voulant à la fois "plaisant et divertissant". Voir à ce propos Jean Mongrédien, La Musique En France des Lumières au Romantisme 1789-1830, pp. 274-279.
[40] Cité par Lionel De La Laurencie dans l’école française de violon de Lully à Viotti, Tome II p. 490.
[41] Voir les articles d’Ellwood Derr et de Gabriel Banat dans le Grove’s pp. 391-392 (1980) pp.100-102 (2001).
[42] Voir Laurent Guillo, Catalogue de la musique imprimée avant 1801 conservée dans les bibliothèques de Lyon, Grenoble et la région, agence de coopération régionale pour la documentation, les cahiers de la pensée sauvage, Grenoble 1986, 156 p.
[43] Rita Benton, Pleyel as Music Publisher dans the Journal American Musicological Society 1979, pp.125-140.
[44] Voir Anik Devrès : La presse musicale sous l’ancien régime (2005). Bien que la presse du temps constitue une source incontournable pour dater de nombreuses œuvres, la présence du cotage figurant au bas des pages de titre des œuvres éditées par Pleyel, (une caractéristique que l’on rencontre chez cet éditeur) s’avère notamment une indication précieuse permettant de situer la date de publication. Dans son dictionnaire des éditeurs de musique français : volume I, des origines à environ 1820 Anik Devriès a pu ainsi établir que les œuvres portant les cotages 145 à 284 avaient été publiées en 1799 parmi lesquelles les six airs variés de Saint-Georges portant le cotage 242.
[45] Recueil avec l’intitulé suivant : Recueil d’airs et duos [avec orchestre] conservé à la bibliothèque nationale. Les titres de ces fragments sont les suivants : Andante ; Arietta par Mr de Saint-Georges, "La seule Ernestine m’enflamme, seule, elle règne dans mon cœur"/ Duo, allegretto : De Clemengis, "La douloureuse image remplit et brule encore mon cœur" /Scena del Signor Saint-Georges ; récitativo : "Ernestine que vas-tu faire ? As-tu bien consulté ton cœur"/ Aria : O Clemengis, "Lis dans mon âme, vois ma douleur et mon amour".
[46] Journal de musique par une société d’amateurs (n°2), 1777, p.63.
[47] Premier Recueil D’airs de L’olympiade et des trois Fermiers Et autres jolis Airs Avec Accompagnement de Harpe Dédié à la Reine par Mr Grénier. Paris, Durieu, vers 1783. Cité par Michelle Garnier-Panafieu op.cit. p.98.
[48] Voir note 23 pour la place de Mme Genlis.
[49] Selon Dominique-René de Lerma, deux romances ou airs tirés de ce recueil ne sont pas des créations originales de Saint-Georges (voir son article : "Two friends within the Saint-Georges songs" in The Black Perspective in Music I, N°2, 1973, pp.115-118). Le n°53 du recueil "Dans un bois solitaire" utilise un texte d’Antoine Houdart de La Motte (1672-1731), écrivain et dramaturge français. Pour le n° 36 "Vous l’ordonnes" le texte et la musique – pour lequel Saint-Georges a écrit un nouvel accompagnement - sont d’Antoine Laurent Baudron (1743-1834), auteur du tout premier recueil de quatuors à cordes connu en France (1768) qui fut directeur de l’orchestre de la comédie Française de 1766 à 1822. Cette œuvre est tirée du Barbier de Séville, pièce de Beaumarchais qui fut représentée en 1775 pour lequel Baudron écrivit la musique. Indication importante, selon De Lerma, qui laisserait supposer que ces airs compilés dans ce recueil pour la comtesse de Vauban l’ont été après 1775.
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© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, septembre 2023