Dossier Laméca

Kalinda et combats de bâtons à Trinidad

10. KALINDA IS A SPIRIT

 

Stick fighter.
Photo: Florabelle Spielmann

Lorsque coule le sang de l’adversaire frappé, les participants et l’assistance savent que l’esprit kalinda est présent, le sang étant sa principale manifestation. Les joueurs de tambours sont les premiers à ressentir la présence de l’esprit kalinda :

(...) et tu joues du tambour. Tu sens que kalinda commence à venir. Kalinda entre. Kalinda arrive, tu entends le cutter man jouer (cutting) maintenant. Kalinda commence à jouer maintenant. A ce moment tous les joueurs de tambours se regardent les uns les autres, parce que les joueurs de tambours doivent être les personnes sages. Ce sont eux qui contrôlent. Les joueurs de tambours sont là, ils s’observent, kalinda commence à venir, kalinda entre, bam ! Deux hommes ramassent deux bâtons et ils commencent. Bam. Coupé (Cut). Sang. Calinda est arrivé
( (...) and you playing drum. You find de kalinda start coming. Kalinda coming in. Kalinda coming, you hearing de cutter man cutting now. Kalinda start playing now. A that time, all de drummers watching each other, de drummers have to be de wise man behind there. Them is de man controlling. Drummers are there, they watching each one another, kalinda start coming in, kalinda coming in, bam ! Two men pick up two stick and they start. Bam. Cut. Blood. kalinda reach.).

C’est de manière impulsive et fugitive que cette force se manifeste au travers des joueurs de tambours. Cette force est transmise aux combattants sous la forme d’impulsions rythmiques. Sous l’influence de ces vibrations rythmiques, le stick fighter désapprend à marcher et à parler, il danse, il attaque. Ces messages rythmiques atteignent leur paroxysme dans la danse. Aux pouvoirs des tambours s’ajoutent celui véhiculé par les paroles du chant. Ces paroles convergent d’abord vers les tambours, ensuite elles sont transmises aux combattants : ce sont les tambours qui chantent, disent les porteurs de tradition.

Stick fighters.
Photo: Florabelle Spielmann

La musique a une fonction structurante au sein du rituel qui met en jeu le prestige du stick fighter, de sa famille, de son village, de son quartier. Elle appelle et transmet une force surnaturelle qui s’investit dans le corps du stick fighter : les kalindas – les tambours, la mélodie en forme responsoriale, les paroles – déclenchent, canalisent et délimitent le combat. Elle construit le stick fighter comme incarnation du groupe relié à des lignées d’ancêtres qui furent esclaves sur les plantations sucrières. La musique est le signe de l’existence d’un collectif qui s’inscrit dans les rites de renouveau associé au carnaval : l’individu meurt, mais le groupe perdure, et ce à travers le combat. 

Stick fighters.
Photo: Florabelle Spielmann

 

Stick fighters.
Photo: Florabelle Spielmann

 

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SOMMAIRE
1. Kalinda et combats de batons à Trinidad : introduction
2. Trinidad et son carnaval : un peu d'histoire
3. Des feux de cannes aux Cannes Brulées
4. Nègre Jardins Bands
5. Des Cannes Brûlées au carnaval d’aujourd’hui
6. Kalinda et Caraïbe
7. Le pouvoir du chant
8. Les tambours
9. Symbolique associée aux tambours
10. Kalinda is a spirit
Extraits musicaux
Bibliographie

conférence audio
"L'héritage franco-créole de la culture trinidadienne"

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par Florabelle Spielmann

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, octobre 2012 - février 2022