Dossier Laméca
La percussion palos de la République Dominicaine
5. LA DANSE AUX TAMBOURS PALOS (BAILE DE PALOS)
La danse aux tambours palos ou baile de palos est une danse de couple accompagnée par les grands tambours palos ou leurs variantes. Conformément à la nature sacrée des palos, considérés comme la voix des saints-patrons des confréries religieuses afro-dominicaines (cofradías), la danse au tambour est appelée baile de respeto (danse de respect), à l’inverse des danses purement récréatives, appelées bailes de regocijo (danses de plaisir). Les premières sont traditionnellement dansées séparées, alors que les secondes sont dansées avec le couple enlacé et sont plus ouvertement des danses de séduction.
Tout comme les tambours palos, le baile de palos est exécuté pour les fêtes de saint (velaciones). Il peut également être pratiqué par certaines confréries pour les rites funéraires. C’est le cas de la confrérie du Saint-Esprit de Villa Mella et ses tambours congos qui organise des baile de palos pour l'anniversaire des morts et, dans une moindre mesure, à l’occasion des novena (neuvaine : prières, actes de dévotion poursuivis pendant neuf jours, selon des règles précises, en vue d'obtenir une grâce particulière) afin de « disperser » les restes spirituels le dixième jour suivant la mort.
Caractéristiques et déroulement
La danse est partout la même, elle ne présente pas ces importantes variations régionales observées pour les rythmes. Comme les danses récréatives dominicaines, le baile de palos est aussi une danse de séduction, mais ce caractère s’exprime de manière plus subtile et plus élégante. Le couple n’est pas en contact, en dehors de la main que pose l'homme occasionnellement sur l'épaule ou la taille de la femme quand elle tourne.
Sous le regard de l’assistance, jusqu’à deux couples peuvent danser simultanément. Les femmes et les hommes de l’assistance prennent le relais, permettant ainsi la participation de tous.
Chorégraphie
Le baile de palos comprend deux pas, dansés en alternance.
Dans le premier, le pas de balancement, le couple se fait face. Les pieds droit et gauche sont glissés vers l'avant, en alternance, en forme de défi.
Dans le deuxième pas, le pas de poursuite, la femme s’écarte de l'homme en formant un cercle autour du lieu d’exécution du premier pas, et l'homme la poursuit.
Puis le couple reprend son emplacement initial et répète le premier pas. De nouveau, la femme s’échappe de manière circulaire mais en sens inverse, jusqu'à ce que le premier pas soit encore exécuté.
La chorégraphie peut donc se découper en 4 segments : le balancement, la fuite circulaire, le balancement, la fuite circulaire en sens inverse.
Une chorégraphie unique avec quelques petites variations régionales
La chorégraphie est la même partout. Cependant, les variations régionales, mineures, portent sur l'intensité de la danse et la position des bras. La posture corporelle est essentiellement droite. Les mouvements les plus importants sont localisés au niveau des pieds avec quelques mouvements des bras. Si la danse est bien exécutée, il ne doit pas y avoir de mouvement des hanches. Cependant, dans certaines variantes (congos de Villa Mella ou Sarandunga de Bani) l'homme peut être légèrement incliné au niveau de la taille, et, à Villa Mella, avoir les genoux légèrement fléchis.
On peut en déduire que cette danse de couple avec sa posture droite, sans mouvement des hanches, est plutôt d'influence européenne, à la différence de la percussion. De même, la danse de la femme a un caractère européen plus marqué que celle de l'homme.
Dans le premier pas et selon la région, les bras de l'homme peuvent être relâchés le long du corps, ou inversement tendus avec les coudes pliés. La femme peut saisir sa jupe et la lever de façon à dévoiler un jupon blanc délicatement brodé.
"Pembe yagua" (Museo del Hombre Dominicano, 2002)
Congos de Villa Mella : "Pembe yagua", une chanson non-rituelle. Soliste : Doña Vitalina.
La femme peut aussi tendre un mouchoir entre les mains, ou tenir une ceinture passée derrière la taille et tendue entre les bras (Villa Mella). Dans le deuxième pas, l'homme et parfois la femme peuvent lever un bras fléchi tout en se penchant dans le sens du mouvement circulaire.
A Villa Mella, les femmes ont une manière très élégante de rentrer dans la danse. Elles tournent l’une autour de l’autre, puis l’une tourne au centre face à l'homme, et l'autre à l'écart. De même, le pas de balancement de la femme peut inclure un petit mouvement brusque mais subtil, au moment du changement de position des pieds.
"Palo corrido" (M. E. Davis, 1973)
Palo corrido ("Palos de l'Esprit Saint") du Sud-Ouest (enregistré à San Juan de la Maguana).
Tempérament de la danse
Le baile de palos est calme et solennel. Il n’épuise pas les danseurs et n’incite pas à la virtuosité. Cependant, le baile de palos le plus virtuose est certainement celui des hommes dans la sarandunga de la confrérie de Saint-Jean-Baptiste de Bani. Là, l'homme passe d'un pied d’appui à l’autre, en se penchant dans une direction puis dans l'autre, les bras tendus encerclant la femme. Aussi, pour appuyer la séduction, l’homme peut agiter un mouchoir rouge.
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SOMMAIRE
1. Panorama de la religion populaire dominicaine et de sa musique
2. Les confréries religieuses afro-dominicaines (cofradías) et leur musique palos
3. Étude de cas : la confrérie de Saint-Jean-Baptiste de Baní et sa sarandunga
4. La fête de saint dominicaine (velación) et sa musique
5. La danse aux tambours palos (baile de palos)
6. Musique palos transnationale... des racines dans le vent !
Illustrations musicales
Bibliographie
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par Dr Martha Ellen Davis
Archivo General de la Nación (Dominican Republic) & University of Florida (USA)
© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, 2018