Dossier Laméca
Les fondations du mouvement hip-hop en Guadeloupe (1990 - 2010)
2. RAP GUADELOUPÉEN : QUELLES INFLUENCES MUSICALES ?
Le rap américain est revendiqué comme étant la source d’inspiration principale des rappeurs guadeloupéens. Les deux groupes les plus souvent cités comme étant « les plus grands groupes de l’histoire du rap » sont Public Enemy (décrit comme un « rap révolutionnaire et conscient ») et Wu-Tang Clan (« pour sa musique, son flow, sa folie »). Ainsi, le morceau « Lauricisque Zoo » sorti en 1999 sur le premier album du rappeur Fuckly (Fuckly is GGDN produit par Riko Debs) illustre l’influence du groupe américain Wu-Tang Clan sur les jeunes rappeurs guadeloupéens. Ce morceau est un hommage rendu au quartier Lauricisque qui est associé dans le refrain à celui de Brooklyn : « si Pointe-à-Pitre était New York, Lauricisque serait Brooklyn ».
« Lauricisque Zoo » morceau extrait (initialement) de l'album Fuckly is GGDN de Fuckly - Produit par Rico Debs, 1999.
Parallèlement à la diffusion médiatique, la musique rap circule aussi en Guadeloupe avec les personnes qui voyagent entre la Guadeloupe et les États-Unis d’une part, entre la Guadeloupe et la France d’autre part. C’est ainsi que des cassettes de l’émission Deenastyle qui passe sur Radio Nova en France à partir de la fin de l’année 1988 sont écoutées en Guadeloupe : « sur ces cassettes, il y avait MC Solaar qui rappe Bouge de là avant la sortie de Bouge de là, Stomy Bugsy, DJ Dynastie… ». La circulation de ces cassettes nourrit le dynamisme de ce mouvement musical en plein essor. Dans ces mêmes années, la mise à l’honneur de la culture hip-hop se fait dans le cadre d’émissions radio underground comme celle animée par DJ Kandia en compagnie du rappeur Ebèn du groupe 2Neg de Villejuif. Cette émission radio est la première consacrée à la musique rap en Guadeloupe. Elle joue un rôle important dans la circulation et la diffusion des musiques afro-caribéennes sur le territoire guadeloupéen.
Ainsi, l’appropriation de la culture hip-hop en Guadeloupe rend compte de son insertion dans une dynamique d’échanges entre la France, le bassin caribéen et les Etats-Unis. Au même moment, la popularité du dancehall jamaïcain agit également fortement sur la création musicale guadeloupéenne. Cette proximité entre les genres rap et reggae dancehall perdure encore aujourd’hui. Une porosité des frontières musicales qui se traduit par des espaces de pratiques partagés, des featurings d’artistes dancehall sur des albums de rap, des rappeurs qui passent dans un même album d’une interprétation rappée à une interprétation toastée.
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[1] Extrait d’une conférence donnée par le rappeur Star Jee dans le cadre du festival FWIPOP Project, Centre Culturel José Emmanuel Albon (Abymes), juillet 2019.
[2] Entretien avec le rappeur/ ingénieur du son Péka, août 2019.
[3] Entretien avec le rappeur Kid Kurs, septembre 2019.
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SOMMAIRE
Introduction
1. Emergence d’une scène rap guadeloupéenne : comment la culture hip-hop a-t-elle été appropriée en Guadeloupe ?
2. Rap guadeloupéen : quelles influences musicales ?
3. De la rue aux studios : comment s’est structurée la scène rap guadeloupéenne ?
4. Premier âge d’or du rap guadeloupéen : quelles en sont les principales caractéristiques ?
5. Musique Kako : quel engagement derrière la création musicale ?
Conclusion : du rap à la trap
Illustrations musicales
Discographie (1998-2010)
A écouter, discussions avec les acteurs du hip-hop de Guadeloupe :
Rencontre avec Flo, StarJee, exXÒs mètKakOla, Warner, Riko Debs, Little Micke & Mister Francky (8 mars 2024)
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par Dr Florabelle Spielmann
© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, novembre 2023