Dossier Laméca

Les fondations du mouvement hip-hop en Guadeloupe (1990 - 2010)

CONCLUSION : DU RAP À LA TRAP

 

Le premier âge d’or du rap guadeloupéen se structure à partir des années 1990. Après une phase d’appropriation de la culture hip-hop, les années 2000 ont été celles de son affirmation à travers des collectifs qui deviennent des icones du rap guadeloupéen : N’O Clan, Gwada Nostra, Wu-Tang Park, Karukera Crew, Underground Family…

Comme dans les mouvements hip-hop américain et français, l’ancrage local a joué un rôle important dans l’histoire du rap guadeloupéen avec de nombreux collectifs qui ont été les ambassadeurs de leur territoire que cela soit à Pointe-à-Pitre ou dans d’autres parties de la Guadeloupe.

Géographie de la culture hip-hop en Guadeloupe.

Aujourd’hui, la scène rap guadeloupéenne est dominée par la trap music qui a essaimé depuis le sud des États-Unis à partir des années 2000. La trap music s’est développée avec l’émergence d’une nouvelle génération de rappeurs 2.0. Cette nouvelle génération de rappeur a progressivement imposé ses thèmes et un univers reconnu et respecté.

Mais si les thématiques de prédilection de ce genre musical restent la drogue et l’argent, en Guadeloupe, certains textes élargissent les frontières de la trap en prenant position. C’est le cas du morceau “Ile an Mwen Bèl” du rappeur Keros-N. Dans ce morceau sorti au mois de décembre 2021, Keros-N dresse en filigrane un panorama du quotidien des Guadeloupéens qui se doivent de composer dans un contexte social et environnemental des plus dégradés.

Dans le morceau « Ile an Mwen Bèl », le rappeur Keros-N évoque non seulement les thématiques de prédilection de la trap mais aussi l’absence de perspective pour la jeunesse, les dysfonctionnements du service public de l’eau, la pollution des sols guadeloupéens par le pesticide toxique appelé chlordécone, les problématiques liées à la vie chère en Guadeloupe.

Dans ce morceau, le rappeur Keros-N met à mal les représentations politico-médiatiques dominantes et offre une grille de lecture alternative pour saisir et questionner les enjeux du présent en Guadeloupe. La force de ce morceau réside dans sa capacité à faire entendre la voix des damnés de la terre par-delà les asymétries du pouvoir.

D’hier à aujourd’hui, le caractère engagé du rap gwada est multiple : il rend compte de la précarité sociale, il dénonce l’absence de perspectives pour la jeunesse, il met en lumière les mécanismes de la domination, il affirme une identité noire. Le rap gwada du premier âge d’or avait aussi gardé l’état d’esprit du Hip-hop américain originel et celui de résistance culturelle propre au rastafarisme avec une volonté de transmettre des valeurs positives et émancipatrices porteuses d’espoir.

 

______________________________________

SOMMAIRE
Introduction
1. Emergence d’une scène rap guadeloupéenne : comment la culture hip-hop a-t-elle été appropriée en Guadeloupe ?
2. Rap guadeloupéen : quelles influences musicales ?
3. De la rue aux studios : comment s’est structurée la scène rap guadeloupéenne ?
4. Premier âge d’or du rap guadeloupéen : quelles en sont les principales caractéristiques ?
5. Musique Kako : quel engagement derrière la création musicale ?
Conclusion : du rap à la trap
Illustrations musicales
Discographie (1998-2010)

A écouter, discussions avec les acteurs du hip-hop de Guadeloupe :
Rencontre avec Flo, StarJee, exXÒs mètKakOla, Warner, Riko Debs, Little Micke & Mister Francky (8 mars 2024)

______________________________________

par Dr Florabelle Spielmann

© Médiathèque Caraïbe / Conseil Départemental de la Guadeloupe, novembre 2023