Dossier Laméca

Musique Marronne de la Jamaïque

4. DES RACINES DANS LE VENT

 

Durant la plus grande partie de son histoire, la musique des Marrons jamaïcains a été conservée à l'écart des oreilles et des yeux étrangers. Comme la plus grande part de la culture marronne, ces traditions musicales sacrées ont été considérées comme secrètes et n'ont pas été partagées avec les non-marrons. Ce "protectionnisme" remonte à la période dans l'histoire des Marrons où leur survie dépendait de la capacité à conserver une information qui, si elle tombait dans de mauvaises mains pouvait se retourner contre eux et être utilisée pour les détruire.

William Watson et Richard Deans, percussionnistes Marrons Kromanti (Moore Town, 1978) Photo : Kenneth Bilby

Une des conséquences de ce "secret" est que la musique marronne n'a eu que très peu d'influence sur les autres régions de la Jamaïque et du monde. Il y a cependant une exception à cela, dans la musique Kumina. Le Kumina est une tradition spirituelle et musicale apparentée aux Kongo et pratiquée par des Jamaïcains non-marrons vivants dans la partie orientale de l'île, non loin des communautés Marronnes. Le Kumina a eu une influence considérable sur la musique populaire urbaine jamaïcaine, contribuant par exemple à la tradition rastafarienne de percussion Nyabinghi, au reggae, et même à la plus récente musique dancehall.

Au fil du temps, Marrons et Kumina ont beaucoup échangé. Le résultat en a été l'émergence du style mixte Marron-Kumina appelé Tambu. Style qui, par ailleurs, fait partie du répertoire de chants "légers" (moins puissants spirituellement) de la région de Moore Town.

Les Marrons ont aussi apporté au répertoire Kumina quelques-uns de leurs chants, dont certains ont ainsi intégré la culture populaire jamaïcaine plus globale. Quelques-uns ont aussi intégré le répertoire de la "National Dance Theatre Company of Jamaica" de Kingston.

A partir des années 1990, la musique marronne de la Jamaïque a de plus en plus élargi son exposition aussi bien en Jamaïque qu'à l'étranger. Les restrictions portant sur l'exécution de cette musique et danse sacrées en dehors des zones marronnes et son partage avec les non-marrons se sont quelque peu assouplis. Aujourd’hui, des compagnies de danse et musique marronnes se déplacent occasionnellement dans d'autres régions de l'île pour se produire dans des festivals consacrés au patrimoine ou pour d'autres évènements culturels. A Accompong, certains styles de musique et de danse marrons sont régulièrement joués pour les touristes. Des artistes Marrons, à la fois de Moore Town et d'Accompong, ont participé à des tournées internationales aux Etats-unis ou en Europe.

En 2003, l'Unesco a officiellement déclaré la tradition musicale des Marrons de Moore Town "Chef-d'œuvre du patrimoine oral et immatériel de l'humanité", renforçant ainsi l'espoir que ce répertoire marron unique de savoirs ancestraux et de valeurs esthétiques puisse être transmis aux générations futures, en dépit des pressions qui ont conduit à son déclin chez les Marrons les plus jeunes.

 

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SOMMAIRE
1. La musique
2. Les instruments
3. Les musiciens
4. Des racines dans le vent
Extraits musicaux
Bibliographie

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par Kenneth Bilby

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